Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/113

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viande de boucherie n’y est pas bonne en bien des endroits. On y vend souvent du buffle pour du bœuf, et la chair du buffle est fort coriace. Le mouton y est trop gras et sent le suif, surtout la queüe qui n’est qu’un peloton de graisse d’une grosseur prodigieuse ; les Turcs ne tuent les moutons que lors qu’on veut mettre le pot au feu. Comme ils n’aiment que le potage, ils coupent la viande par morceaux fort menus avant que de la mettre dans la marmite, et la font boüillir avec toute sorte de gibier. Quand ils la veulent faire rotir, ils la coupent encore plus menu, et enfilent tous les morceaux dans des broches fort longues, mettant alternativement un morceau de viande et un oignon. A Constantinople on mange de bon bœuf et d’excellens liévres. Sur les côtes d’Asie les francolins sont merveilleux, et les perdrix exquises. Le meilleur poisson du monde se pêche dans le Levant. Outre les especes que nous connoissons, la mer Noire leur en fournit quantité d’autres qui nous sont inconnuës. Les Turcs se régalent quelquefois d’un ragout de viande hachée avec un peu de graisse, et parsemnée de ris tout crud ; on en forme des pelotons que l’on enveloppe dans des feüilles de vigne, ou de choux suivant la saison ; aprés cela on les fait cuire dans une terrine couverte. Par tout le Levant on fait du mauvais pain avec pourtant d’excellent grain ; leur pâte n’est ni battuë ni levée, mais cela n’empéche pas qu’on n’y trouve souvent d’assez bonne patisserie et de la pâte feüilletée tres délicate. Leur vaisselle est de porcelaine, de fayence ou d’étain. La plus commune est de cuivre etamé, car l’Asie mineure est riche en mines de cuivre. Ils l’étament fort proprement et tres promptement, en faisant rougir au feu les pieces de vaisselle ; ils les saupoudrent pour lors avec du sel ammoniac, et ils y appliquent ensuite des boutons d’étain qu’ils étendent avec un brunissoir ;