Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et femmes, filles et garçons, aprés y avoir fait mettre un petit poile pour échauffer le lieu. Nos Missionnaires ont beau déclamer contre les Tendours, l’usage en est trop commode pour être supprimé. Les Turcs pratiquent ce que leur religion leur ordonne ; les Grecs au contraire n’en ont gueres, et la misere les oblige à faire bien des sottises que le mauvais exemple autorise, et perpetüe de pere en fils dans les familles. Enfin les Turcs font profession de candeur et de bonne foy, au lieu que la foy des Grecs est suspecte depuis long-temps ; on n’a qu’à lire leurs Historiens.

L’uniformité regne dans toutes les actions des Turcs ; ils ne changent jamais de genre de vie. Il ne faut pas s’attendre à de grands festins chez eux ; peu de chose les satisfait, et l’on n’entend pas dire qu’un Turc se soit ruiné par trop de bonne chere. Le Ris est le fondement de leur cuisine ; ils l’aprêtent de trois differentes maniéres. Ce qu’ils appellent Pilau est un ris sec, moileux qui se fond dans la bouche, et qui est plus agréable que les poules et les queües de mouton avec quoi il a boüilli. On le laisse cuire à petit feu avec peu de boüillon sans le remuer ni le découvrir, car en le remuant et en l’exposant à l’air il se mettroit en boüillie. La seconde maniere d’apprêter le ris s’appelle Lappa, il est cuit et nourri dans le boüillon, à la même consistance que parmi nous, et on le mange avec une cueillier, au lieu que les Turcs font sauter dans leur bouche avec le pouce le pilau par petits pelotons, et que le creux de la main leur tient lieu d’assiette. La troisiéme est le Tchorba : c’est une espece de crême de ris qu’ils avalent comme un boüillon : il semble que ce soit la préparation du ris dont les anciens nourrissoient les malades.

Les poules sont merveilleuses dans le Levant, mais la