Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/121

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fontaines et de jardins, les fustayes y sont impénétrables au soleil, les parterres tous couverts de fleurs, et les vergers chargez de toute sorte d’excellens fruits. Dans ce lieu charmant coulent en abondance le lait, le miel et le vin ; mais c’est un vin qui ne porte point à la tête et qui ne trouble pas la raison. Les plus parfaites beautez s’y promenent, et ne sont ni trop faciles ni trop cruelles ; on y épousera celles que l’on voudra, car il y en a de toutes les façons ; leurs yeux, qui sont gros comme des œufs, sont toujours attachez sur leurs maris qu’elles aiment à la folie. Les filles, suivant ce prophete, y sont toutes pures, et l’on n’y entend point parler des maladies du sexe : on n’y connoit ni sabine, ni mercure, ni gayac, ni salsepareille. La meilleure chose que Mahomet ait dite touchant l’autre monde, est qu’il ne faut pas mettre au nombre des morts ceux qui meurent dans la voye de Dieu, parce qu’ils vivent en Dieu, et qu’ils joüissent de ses biens et de son amour. Les damnez au contraire seront précipitez dans un feu devorant, au milieu duquel leur peau se renouvellera à tous momens pour augmenter leur suplice. Ils souffriront une soit incroyable sans pouvoir se flatter d’avoir une goutte d’eau ; et si par hazard on leur verse à boire, ce sera d’une liqueur empoisonnée qui les suffoquera sans les faire mourir. Pour comble de maux, ils n’y trouveront point de femmes.

J’ay oublié de dire, qu’avant que d’enterrer les morts on les expose dans les maisons, enfermez dans une biere sous un poile de differente couleur, suivant la qualité des personnes : ce poile est rouge pour les gens de guerre, noir pour un bourgeois, vert pour un Emir ou pour un Cherif ; les turbans que l’on met sur la biere sont de la même couleur que le poile. Les Prêtres précedent le convoi et prient pour le deffunt ; les pauvres suivent avec les escla-