Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/122

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ves et les chevaux de la maison, si c’est une personne de distinction. Les pleureuses n’y manquent pas, non plus qu’aux enterremens des Grecs ; elles font une musique enragée tout le long des ruës, tandis qu’on enterre le mort, et aprés qu’on l’a enterré. Quand on est arrivé au cimetiere on tire le corps de la biere pour le mettre dans la fosse, enveloppé d’un simple drap ; mais on se garde bien de jetter de la terre par dessus : on couvre la fosse de quelques planches sur lesquelles on ramasse les materiaux qui se trouvent aux environs. Aprés cela les hommes se retirent, et les femmes y restent encore quelque temps : ensuite les prêtres s’avancent pour être aux écoutes, et pour informer les parens si le mort s’est bien deffendu quand les Anges l’ont interrogé : ces prêtres n’ont garde de dire qu’il a été confondu, car ils ne sont bien payez que lorsqu’ils anoncent de bonnes nouvelles. Les femmes viennent prier souvent sur la fosse de leurs maris, mais c’est toujours en plein jour et jamais la nuit, de peur qu’il ne leur arrivât quelqu’avanture pareille à celle de la Matrone d’Ephese. On apporte quelquefois à manger dans les cimetieres, sur tout le vendredi ; les uns croyent que cela soulage les morts ; les plus raisonnables disent que cela se fait pour attirer les passans, qui en s’arrêtant prient Dieu pour le deffunt.

Une des principales raisons qui oblige les Turcs à enterrer les morts sur les grands chemins, c’est pour exciter les passans à leur souhaiter du bien ; et le souhait ordinaire est que Dieu les délivre des tourmens que les Anges noirs leur font souffrir. On éleve deux grosses pierres à chaque bout de la fosse : parmi les gens qui sont de quelque distinction ; celle qui est à la tête marque la difference du sexe par un turban ou par un bonnet, et c’est à ces sortes d’ouvrages que s’occupent les sculpteurs de Con-