Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/135

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rocher creux comme un cuilleron, dont la partie cave regarde les Châteaux ; car suivant cette supposition, les eaux qui sont vers le fond du canal, heurtant avec violence contre ce rocher, doivent en se réfléchissant prendre une détermination contraire à celle qu’elles avoient auparavant, c’est à dire qu’elles sont obligées de rebrousser vers les Châteaux, et par-conséquent de couler dans un sens opposé à celui du courant supérieur. Le peu de séjour que nous fimes à Constantinople ne nous permit pas d’examiner cette merveille. Mr Gilles en a parlé comme d’une chose extraordinaire, et Mr le Comte Marsilly l’a observée avec beaucoup de soin ; en effet je ne trouve rien de plus digne de remarque. Cet habile philosophe n’a pas voulu hazarder sa pensée sur l’explication d’un fait aussi singulier ; et moi je ne propose la mienne que pour exciter les sçavans à rechercher la veritable cause de ce Phénomene.

Il n’est pas facile non-plus de rendre raison pourquoi le Bosphore vuide si peu d’eau, sans que la mer Noire qui en reçoit une si prodigieuse quantité, en devienne plus grande. Cette mer qui est d’une étenduë si considérable, outre les Palus Meotides, c’est à dire une autre mer digne de remarque, reçoit plus de rivieres que la Mediterranée. Tout le monde sait que les plus grandes eaux de l’Europe tombent dans la mer Noire par le moyen du Danube dans lequel se dégorgent les rivieres de Suabe, de Franconie, de Baviere, d’Austriche, de Hongrie, de Moravie, de Carinthie, de Croatie, de Bosnie, de Servie, de Transsylvanie, de Valaquie. Celles de la Russie noire et de la Podolie se rendent dans la même mer par le moyen du Niester. Celles des parties meridionales et orientales de la Pologne, de la Moscovie septentrionale et du pays des Cosaques, y entrent par le Nieper ou Borysthene. Le