Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/134

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Tous ces courans n’ont rien de bien extraordinaire. On conçoit aisément qu’un Cap trop avancé doit faire reculer les eaux qui se presentent dans une certaine direction ; mais il est difficile de rendre raison d’un autre courant caché, que nous appellerons dans la suite, le courant inférieur, parce qu’il ne s’observe que dans le grand canal au dessous du grand courant, que l’on doit nommer le courant supérieur, lequel roule ses eaux depuis les Châteaux jusques dans la mer de Marmara. Il faut donc remarquer que les eaux qui occupent la surface de ce canal jusques à une certaine profondeur, coulent des Châteaux au Serrail. Cela est incontestable ; mais il est certain aussi qu’au dessous de ces eaux il y a une partie de l’eau du même canal, laquelle se meut dans un sens contraire, c’est à dire qu’elle remonte vers les Châteaux.

Procope de Cesarée, qui vivoit dans le vi. siecle, assûre que les pescheurs remarquoient que leurs filets au lieu de tomber à plomb dans le fond du canal, étoient entraînez du Nord vers le Sud depuis la surface de l’eau jusques à une certaine profondeur, tandis que l’autre partie de ces mêmes filets, qui descendoit depuis cette profondeur jusques au fond du canal, se courboit dans un sens opposé. Il y a même beaucoup d’apparence que cette observation est encore plus ancienne, car de tout temps le Bosphore a eté fort celebre pour la pesche. Ce canal est nommé Poissonneux dans l’inscription que Mandrocles fit mettre au bas du tableau où il avoit fait répresenter le Pont sur lequel Darius passa avec son armée lorsqu’il alloit combattre les Scythes. Procope assûre que, suivant l’observation des pescheurs, les deux courans opposez, l’un supérieur et l’autre inférieur, sont tres-sensibles dans cet endroit du Bosphore qu’on appelle l’Abîme. Peut-être y a-t-il dans ce lieu-là un gouffre profond formé par un