Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/139

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globe de la terre, et dont les montagnes sont, pour ainsi dire, les têtes.

Mais quels changemens les Isles de la mer Egée ne receurent elles pas par le débordement du Pont Euxin, et sur tout celles qui se trouvent exposées comme en ligne droite ? puisque Samothrace, qui est à côté du canal, en fut tellement inondée, que ses habitans ne savoient à quels Dieux se voüer : les pescheurs quand les eaux furent abaissées tiroient avec leurs filets des chapiteaux de colomnes et d’autres morceaux d’architecture. S’il en faut juger par la violence du coup que les eaux porterent dans la mer de Grece, est-il surprenant que les plus anciens auteurs Historiens et Poëtes, ayent publié que plusieurs Isles s’étoient abimées dans l’Archipel, et qu’il s’en étoit formé de nouvelles ? Peut-être que la fameuse Delos ne parut que dans ce temps-là, et que les peuples des Isles voisines lui donnerent ce nom qui signifie Manifeste. On traite neantmoins la pluspart des anciens auteurs de réveurs et de conteurs de fables. Combien de colonies ne fallut-il pas établir aprés ce ravage ? et que ne saurions nous pas si les ouvrages de ceux qui avoient décrit tous ces changemens étoient passez jusques à nous, comme ceux de Diodore ? Ce qui nous paroît de plus incroyable dans Pline, ne sont peut-être que les meilleurs morceaux de plusieurs auteurs qui avoient écrit sur ces matieres, et dont le reste est perdu.

Je vous demande pardon, Monseigneur, si je pousse la Philosophie un peu loin. L’exemple d’un savant Ministre à qui nous devons la connoissance de tant de belles choses, m’a dépaysé ; mais ce n’est pas pour le suivre en toutes choses ; car tout grand homme de mer qu’il étoit, puisqu’il commandoit des armées navales, il me semble qu’il a pris la formation des mers dans un sens tout oppo-