Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/140

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au sens naturel. Il a crû que l’Ocean par ses secousses ayant separé des terres d’Afrique la montagne de Calpe, s’étoit répandu dans ce vaste espace où est présentement la Mediterranée : que cette mer avoit ensuite percé les terres vers le Nord et produit la Propontide ou mer de Marmara, la mer Noire, et les Palus Meotides. Cependant indépendamment de l’observation de Diodore de Sicile, s’il est permis de considerer la formation des choses peu à peu, n’est-il pas plus raisonnable de regarder les Palus Meotides, la mer Noire, la Propontide, et la mer Mediterranée, comme de grands Lacs formez par tant de rivieres qui s’y déchargent, que de croire que ce soient des épanchements de l’Ocean ? Que pouvoient devenir les eaux qui se ramassoient ensemble jour et nuit dans les mêmes bassins avant qu’ils eussent leurs décharges ? elles formoient sans doute des Lacs d’une prodigieuse étenduë, qui auroient enfin couvert toutes les terres voisines, s’ils n’avoient forcé leurs digues de la maniere qu’on a dit plus haut.

Il est donc certain que les eaux du Nord tombent dans la Mediterranée par le Bosphore Cimmerien, par le Bosphore de Thrace, et par le canal des Dardanelles qui, suivant l’idée des anciens, est une autre espece de Bosphore, c’est à dire un bras de mer qu’un bœuf peut traverser à la nage. La décharge de la Mediterranée dans l’Ocean est au détroit de Gibraltar où heureusement les eaux trouverent plus de facilité à se creuser un canal, que de se répandre sur les terres d’Afrique. Le Seigneur avoit laissé cette ouverture entre le mont Atlas et celui de Galpe, il ne falloit qu’en déboucher la digue. Peut-être que l’irruption épouventable qui se fit alors dans l’Ocean submergea ou emporta cette fameuse Isle Atlantide que Platon décrit au delà des côtes d’Espagne, et Diodore de Sicile au