Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/162

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Des Isles Cyanées d’Asie, il faut passer à celles d’Europe, afin de parcourir avec ordre l’autre côté du Bosphore jusques à Constantinople. Ces Isles donc, de même que celles d’Asie, ne sont proprement qu’une Isle herissée, dont les pointes paroissent autant de petits écueils séparez lorsque la mer est fort agitée. Strabon a remarqué, que vers l’embouchûre du Pont-Euxin, il y avoit une petite Isle de chaque côté, au lieu que les anciens Geographes s’étoient imaginez qu’il y avoit plusieurs écueils tant du côté d’Europe que de celui d’Asie, lesquels non seulement flottoient sur l’eau, mais se promenoient le long des côtes et se heurtoient les uns contre les autres. Tout cela étoit fondé sur ce qu’on voyoit paroître ou disparoître leurs pointes suivant que la mer les couvroit dans la tempeste, ou les laissoit voir dans le calme. On ne publia qu’ils s’étoient fixez, qu’aprés le voyage de Jason, parce qu’apparemment on les reconnut de si prés, qu’on avoüa qu’ils n’étoient pas mobiles : neantmoins comme la pluspart des gens sont plus agréablement frappez par les fables que par la verité, on eut de la peine à revenir de ce préjugé. On découvre entierement l’écueil qui est du côté d’Europe, lorsque la mer est retirée, il est relevé de cinq pointes, lesquelles paroissent autant de rochers separez pendant l’agitation de la mer. Cet écueil n’est separé du cap du fanal d’Europe, que par un petit bras de mer qui reste à sec dans le beau temps ; et c’est sur la plus haute de ces pointes qu’on voit une colomne à qui on a donné, sans raison, le nom de colomne de Pompée. Il ne paroit par aucun endroit de l’Histoire, que Pompée aprés la défaite de Mithridate, ait fait dresser des monumens sur ces lieux ; d’ailleurs l’inscription qui se lit sur la baze de cette colomne, fait mention d’Auguste. Quand on examine avec soin