Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/169

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ou Dieu marin. Selon quelques autres le golphe finit à ce fameux rocher appellé la pierre de justice, dont on raconte une fable assez ridicule, rapportée par Denys de Byzance.

Deux marchands, dit-il, faisant voile vers le Pont, mirent en dépost dans un trou de cette pierre une somme d’argent, et convinrent entre eux qu’ils n’y toucheroient point qu’ils n’y fussent tous les deux ensemble ; mais l’un d’eux vint quelque temps aprés tout seul pour enlever cet argent. La pierre ne voulut jamais rendre le dépôt, et acquit par là le nom de pierre équitable. De loin cette pierre paroît comme une pomme de Pin dont la pointe est relevée et percée. C’est peut-être ce trou qui a donné lieu à la fable du prétendu thresor caché par les marchands. Les matelots sont les gens du monde les plus propres à inventer de pareils contes, sur tout dans le calme où ils ne sçavent que faire.

La ville de Tarabié ou Tharapia est au dessous de ce rocher sur une petite riviere, à l’embouchûre de laquelle est l’écueil Catargo, lequel de loin ressemble à une petite galere. L’embouchûre de cette riviere fait un assez bon Port appellé Pharmacias, parce qu’on croyoit par tradition que Medée y ayant relâché, avoit fait débarquer sa quaisse de drogues par le moyen desquelles elle faisoit tant de miracles. Vis à vis Tarabié, de l’autre côté de la riviere, est la vallée appellée Linon où est le golphe Eudios calos de Denys de Byzance ; mais plus bas descendant vers Yenicui, est le Port du Roy Pithecus, dont le même auteur a fait mention. La côte est si escarpée depuis cet endroit-là jusques au coude qui est tourné vers le vieux Château d’Europe, que les anciens avoient pris ces roches pour des Bacchantes, à cause du bruit que les vagues y font. Le coude avant que d’arriver à Yenicui, étoit