tection, en considération de l’Empereur de France, dont il ne cessoit d’admirer la prévoyance, jusques à envoyer, disoit-il, des personnes capables de découvrir ce que la nature produit dans chaque pays, et pour apprendre sur les lieux les usages qu’on en fait par rapport à la santé. Au surplus le Pacha n’étoit pas fâché d’avoir des Medecins à sa suite, et il m’apprit que son pere avoit été fort satisfait de l’habileté de Mr d’Hermange, qu’il avoit eû long temps auprés de lui, et entre les mains de qui il étoit mort à Salankemen. Nos principales conversations pendant le voyage rouloient sur les interêts des Princes de l’Europe, qu’il connoît parfaitement, et elles se terminoient ordinairement par une petite relation de ce que nous avions observé de plus curieux. De crainte de scandaliser sa maison, il nous faisoit demander en secret les desseins des plantes que nous observions sur la route ; je les remettois par ses ordres à un de ses freres Cuperli Bey, qui nous les rendoit aprés que le Pacha les avoit considerez seul et à loisir. Cette politique est nécessaire parmi les Turcs, où l’on trouve mauvais que les bons Musulmans prennent connoissance des sciences cultivées par les Chrétiens, et qu’ils donnent des marques de l’estime qu’ils en font. J’eus l’occasion de lui donner un morceau de Phosphore, et de lui expliquer la maniére dont il faut s’en servir ; mais il ne voulut pas que j’en fisse l’experience en sa presence. Quelques jours aprés il convint que les Chrétiens étoient d’habiles gens, et que leur sagacité étoit aussi loüable, que la fainéantise des Orientaux meritoit d’être blâmée. Nous fûmes assez heureux pour ne voir mourir personne de sa maison entre nos mains. Quoiqu’il eût auprés de lui Mr de S. Lambert habile Medecin François, il lui ordonna pourtant qu’on nous fist voir tous les malades, ce que je n’acceptai qu’à condition que nous les verrions ensem-
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