Aller au contenu

Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Levant, où l’on ne garde point de proportion. Ce défaut paroit en dehors, car les combles sont si bas, qu’on diroit qu’ils écrasent les maisons ; en effet ils leur dérobent la moitié du jour. Quoique les chambres ayent double rang de fenêtres, elles n’en sont pas mieux éclairées : ces fenêtres sont ordinairement quarrées, surmontées chacune par une autre fenêtre plus petite qui est ceintrée. C’est principalement par les bains qu’on distingue les maisons des grands Seigneurs, de celles du commun. Quoique les Turcs ne bâtissent les bains que pour la commodité, ils ne laissent pas de les accompagner de quelques ornemens ; ceux de la maison du Bey sont pavez et incrustez de marbre ; on y tempere l’eau par le moyen d’un tuyau de plomb qui en verse de la chaude autant qu’on veut ; les galeries et les coridors qui sont de bois peint, regnent autour de la maison : il n’y a que l’escalier qui la deshonore, mais on n’en sçait pas faire de plus beaux en Turquie, où les Architectes placent, pour tout escalier, une espece d’échelle de bois couverte d’un appentis ; c’est encore pis chez les Grecs, où cette échelle est exposée à la pluye et au soleil. La cour de la maison dont je parle seroit assez belle, si elle n’étoit pas rétressie par un bassin qui sert (pour ainsi dire) de remise aux Caïques, car ces caïques sur le canal de la mer Noire tiennent lieu de carrosses, de charrettes et de fourgons : on s’en sert à toute sorte d’usages, dont la pêche n’est pas un des moins utiles. De la cour on passe dans les jardins qui seroient fort beaux, s’ils n’étoient trop resserrez par les collines qui les environnent ; mais le parc est bien planté et d’une étenduë considérable. Voilà le modele d’une maison de campagne de Turquie ; quoi-qu’elles ne soient pas comparables à celles des environs de Paris, elles ne laissent pas d’avoir des beautez et une certaine magnificence.