Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/218

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agretz necessaires. On met des Janissaires qui ont inspection sur ces ouvriers, et il y a des Commissaires pour lever les equipages. C’est de là que les Sultans ont tiré leurs plus puissantes flotes dans le temps de leurs conquêtes, et rien ne seroit plus aisé que de rétablir leur marine. Le pays est excellent, il abonde en vivres, comme bled, ris, viande, beurre, fromages ; et les gens y vivent tres sobrement.

Il semble qu’Abono soit le reste du nom d’une ancienne ville appellée Les murs d’Abonos. Si j’écrivois à quelque homme de lettre condamné depuis long-temps à feüilletter des vieux livres, je me ferois beaucoup valloir sur cette prétenduë découverte ; mais comme j’ay l’honneur d’écrire à un Ministre qui connoît la juste valeur des choses, à peine osai-je proposer cette conjecture. Quoiqu’il en soit, ces murs d’Abono n’ont jamais êtez qu’un méchant village dont Strabon, Arrien, Ptolemée et Estienne de Byzance nous ont conservé le nom.

Je fais bien plus de cas d’une espece admirable de Chamœrhododendros à fleur jaune que nous y découvrîmes ; non seulement elle peut servir, de même qu’une autre belle espece de ce genre à fleur purpurine que nous avions veüe au delà de Penderachi, à éclaircir un endroit de Pline ; mais encore à rendre raison de cette cruelle avanture arrivée aux Dix milles, qui aprés la défaite du jeune Cyrus se retirérent dans leur pays par les côtes de la mer Noire. J’aurai l’honneur, Msgr, de vous envoyer les descriptions de ces deux plantes, lorsque nous en aurons veû les fruits bien formez.

Nous partîmes d’Abono le 16 May dans le dessein d’aller à Sinope ; mais la pluye nous obligea de rester à moitié chemin, et de camper le long de la plage à 40 milles de cette ville. On voit d’assez beaux villages sur la côte, à l’en-