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Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/273

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répondis qu’elle étoit excellente, mais un peu trop uniforme. Il me répliqua, que c’étoit dans l’uniformité que consistoit la beauté des choses. Il est vrai que l’uniformité est une des principales vertus de ce Seigneur, car il paroît d’une humeur inalterable. La premiere chamade commençoit ordinairement une heure avant la marche, c’étoit pour éveiller tout le monde. On entendoit la seconde environ demi heure aprés, elle servoit de signal pour défiler. La troisiéme commençoit au départ du Pacha qui étoit toujours à la queuë de la Caravane, à la distance de 4 ou 5 cens pas. La musique cessoit et recommençoit plusieurs fois pendant la route, suivant le caprice des musiciens qui redoubloient leur simphonie en arrivant au Conac, où l’on plantoit devant la Tente du Pacha les deux autres queuës de cheval qui avoient servi à la marche. Le Chaoux Bachi ayant receû l’ordre, prenoit la troisiéme queuë, et s’en alloit marquer le giste du lendemain.

Nous fûmes bientost faits à ce manege. Nous nous levions à la premiere chamade, et nous montions à cheval à la seconde comme des moutons, en criant Aideder, Aideder, c’est à dire marchez, marchez. Ils ne permettent à qui que ce soit de se mêler parmi les gens de la Maison, et l’on s’exposeroit à quelque coups de bâton si l’on y étoit surpris. Les Turcs sont gens d’ordre en tout ce qu’ils font, et sur tout dans leurs marches. Les Catergis ou voituriers se levoient une heure avant le signal, et tout étoit chargé avant que la chamade de la marche sonnast. J’admirois souvent leur exactitude ; tout cela se passoit sans bruit, et bien souvent nous n’étions avertis que l’on chargeoit, que par la lueur des fanaux.

On passa ce jour-là 4 Juin par des montagnes fort éle-