Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/28

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entre eux, ou avec les muets pour faire rire le Sultan, et ce Prince les honore souvent de quelques coups de pied. Lorsqu’il se trouve un nain qui est né sourd, et par consequent muet, il est regardé comme le Phœnix du Palais : on l’admire plus qu’on ne feroit le plus bel homme du monde, sur tout si ce magot est eunuque : cependant ces trois défauts qui devroient rendre un homme très méprisable, forment la plus parfaite de toutes les creatures, aux yeux et au jugement des Turcs.

Ce seroit ici le lieu de parler des Dames du Serrail ; mais on est dispensé de le faire, puis qu’elles ne tombent pas sous les sens, non plus que les esprits purs. Ces beautez ne sont faites que pour divertir le Sultan, et pour faire enrager les Eunuques. Les Gouverneurs des Provinces font present au Grand Seigneur des plus belles personnes de l’Empire, non seulement pour lui faire leur cour, mais pour tâcher de se faire des creatures dans le Palais, qui puissent les avancer. Aprés la mort du Sultan, les femmes qu’il a daigné honorer de ses caresses, et les filles majeures passent dans le vieux Serrail de Constantinople ; les plus jeunes sont quelquefois reservées pour le nouvel Empereur, ou mariées à des Pachas. Quoi qu’il en soit comme c’est un crime de voir celles qui restent dans le Palais, il faut peu compter sur tout ce qu’on en a écrit : quand même on pourroit trouver le moyen d’y entrer, qui est-ce qui voudroit mourir pour un coup d’œil si mal employé ? Ainsi que ces belles entrent par les pieds du lit du Sultan, comme quelques-uns ont voulu le faire croire, ou par les côtez, je n’en déciderai pas, je me contente de les regarder comme les moins malheureuses esclaves qui soient au monde ; la liberté est toûjours préférable à un si foible bonheur.

Que dire d’un lieu où l’on admet à peine le premier Medecin du Prince, pour voir des femmes à l’agonie ? et