Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/32

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viennent que lorsqu’ils sont mandez, ou que le devoir de leur charge les y appelle. Le Sultan met à la tête de ses Ministres le Grand Visir, qui est comme son Lieutenant général avec lequel il partage, ou à qui il laisse tous les soins de l’Empire. Non seulement le Grand Visir est chargé des finances, des affaires étrangéres, et du soin de rendre la justice pour les affaires civiles et criminelles ; mais il a le département de la guerre et le commandement des armées. Un homme capable de soûtenir dignement un si grand fardeau est bien rare et bien extraordinaire : cependant il s’en est trouvé qui ont rempli cette charge avec tant d’éclat, qu’ils ont fait l’admiration de leur siecle. Les Cuperlis pere et fils ont triomphé dans la paix et dans la guerre, et par une politique presque inconnuë jusques alors, ils sont morts tranquillement dans leurs lits. Cuperli leur parent, qui fut tué à la bataille de Salankemen, étoit un grand homme aussi : il auroit peut-être mis à couvert l’Etat des grandes révolutions dont il est encore menacé. Cet Empire qui semble décliner aujourd’hui auroit besoin de pareils Ministres.

Quand le Sultan nomme un Grand Visir, il lui met entre les mains le sceau de l’Empire, sur lequel est gravé son nom : c’est la marque qui caractérise le premier Ministre ; aussi le porte-t-il toûjours dans son sein. Il expédie avec ce sceau tous ses ordres, sans consulter et sans rendre compte à personne. Son pouvoir est sans limites, si ce n’est à l’égard des troupes, qu’il ne sçauroit faire punir sans la participation de leurs chefs. A cela près il faut s’adresser à lui pour toutes sortes d’affaires, et en passer par son jugement. Il dispose de tous les honneurs et de toutes les charges de l’Empire, excepté de celles de judicature. L’entrée de son Palais est libre à tout le monde, et il donne audience jusques au dernier des pauvres. Si quelqu’un pour-