Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/323

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Vous me permettrez, Msgr, de passer de l’erudition à l’Histoire naturelle. Nous observâmes aux environs de cette ville une tres-belle espece de Pavot que les Turcs et les Armeniens appellent Aphion, de même que l’Opium commun ; cependant ils ne tirent pas d’Opium de l’espece dont nous parlons, mais par ragoût ils en mangent les testes encore vertes, quoiqu’elles soient fort acres et d’un goût brulant.

La racine de cette plante est grosse comme le petit doit et longue d’un pied, blanche en dedans, brune en dehors, fibreuse, pleine d’un laict blanc-sale tres-amer et tres-acre. Ordinairement les tiges sont de la hauteur d’un pied et demi ou deux, épaisses de trois ou quatre lignes, droites, fermes, vert-pâle, herissées de poils blanchâtres, roides, longs de trois lignes, si ce n’est vers le haut où elles sont couvertes de poils ras. Les feüilles ont un pied de haut et sont découpées à peu prés comme celles du Coquelicoc en plusieurs parties jusques vers la côte. Ces pieces ont environ deux pouces et demi de long sur neuf ou dix lignes de large, vert-brun et comme luisantes sur certains pieds, recoupées sur les bords à grosses dents pointuës et terminées par un poil blanc, semblables à ceux qui couvrent les feüilles, et tous ces poils sont aussi roides et aussi longs que ceux des tiges. Chaque tige ne soutient le plus souvent qu’une fleur, dont le bouton qui a dix-huit ou vingt lignes de long, est couvert d’un calice à deux ou trois feüilles membraneuses, creuses, blanchâtres sur le bord, herissées de poils. Elles tombent quand la fleur s’épanoüit, et l’on s’apperçoit alors qu’elle est composée depuis quatre jusques à six feüilles, longues de deux pouces et demi sur trois pouces et demi de large, arrondies comme celles des autres Pavots et de la couleur du Coquelicoc, plus ou moins foncé, avec une grosse tache à l’on-