Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/345

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qu’elles ne trainassent en longueur, et que de difficulté en difficulté on ne laissât partir nôtre Caravane sans nous ; ainsi nous soupâmes assez tristement. Deux Emissaires du Chiaïa eurent la bonté le lendemain au matin de nous eveiller à la pointe du jour, et de nous dire sans façon que l’on venoit de découvrir que nous étions des espions ; que le Pacha n’en étoit pas encore informé et qu’ainsi la chose n’étoit pas sans remede, mais que nous pouvions compter que les avis venoient de bonne part. Comme nous ne paroissions gueres allarmez de leurs discours, ils nous asseûrérent que les espions en Turquie étoient condamnez au feu, et que les plus honnêtes gens de la Caravane étoient prêts à déclarer que sous prétexte de chercher des Plantes, nous observions la situation et les murailles des villes, que nous en prenions le Plan, que nous nous informions avec soin des troupes qui s’y trouvoient, que nous voulions sçavoir d’où venoient les moindres rivieres, que tout cela meritoit punition. Ainsi parloit celui qui paroissoit être le plus méchant des deux ; l’autre qui sembloit plus doux, disoit qu’il n’y avoit pas d’apparence que nous fussions venus de si loin pour n’amasser que du foin. Nous nous retranchions toujours sur les bons témoignages que le Beglierbey d’Erzeron portoit de nous dans sa lettre. Ils répondoient qu’on n’en pouvoit pas faire la lecture, que le Cadi ne fût venu de la campagne où il devoit rester encore un jour ou deux. Nous nous séparâmes assez froidement la-dessus.

Heureusement en nous promenant par la ville, nous rencontrâmes un Aga du Beglierbey d’Erzeron, qui ne faisoit que d’arriver et qui nous reconnut d’abord, parce qu’il nous avoit veû traiter des malades dans le Palais. Aprés les premieres civilitez, nous lui contâmes l’embarras où nous étions. Surpris de notre avanture, il alla chez