Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Chiaïa du Pacha, et lui témoigna en notre presence qu’on n’avoit pas raison de nous refuser le passage ; que le Beglierbey Coprogli, à qui nous avions eté recommandez à Constantinople par l’Ambassadeur de l’Empereur de France, nous honnoroit de sa protection ; que nous avions eû l’honneur de l’accompagner de Constantinople à Erzeron, qu’il s’étoit bien trouvé de nos conseils et de nos remedes ; qu’enfin on ne devoit pas recevoir de cette maniére des gens qui étoient si bien recommandez de sa part. Il nous fit signe de nous retirer, et nous fit assûrer par son valet que nous serions satisfaits dans peu de temps. Nous entrâmes dans un caffé pour attendre la décision de cette grande affaire. Un moment aprés, les mêmes Chiodars du Chiaïa, qui nous avoient traitez d’espions du Grand Duc de Moscovie et qui étoient, à ce que je crois, nos espions, car ils nous gardoient à veüe, vinrent nous annoncer avec une joye feinte et dans le dessein de tirer quelqu’argent de nous, que tous les passages de l’Empire étoient ouverts pour nous ; mais qu’assurément on nous auroit arrêtez sans la lettre du Beglierbey d’Erzeron, ou qu’aumoins on nous auroit fait payer une grosse avanie, comme il arrive à tous ceux qui passent de Turquie en Perse. Dans ce temps-là notre Aga liberateur sortit, et nous vint prendre pour nous présenter au Chiaïa, qui nous fit donner à fumer et à boire du caffé. Il nous assûra que nous pouvions partir quand il nous plairoit ; qu’en considération du Beglierbey d’Erzeron, il nous faisoit grace de deux écus que lui devoient toutes les bêtes de somme qui passent par là : et comme on lui fit faire réflexion que nous n’êtions pas marchands, mais Medecins, il mit sur son marché que nous gueririons, avant partir, un Aga de ses amis qui avoit une fistule au fondement. Comme il parloit si gravement et que nous ne voulions