Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/361

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mieux le pays que les étrangers, et qui n’ont jamais pû persuader à ces femmes de se desabuser du vilain fard dont elles se couvrent leur visage pour conserver les anciennes coûtumes du pays. On nous assûra qu’on enlevoit les plus belles filles dés l’âge de six ou sept ans pour les transporter à Hispaham, ou en Turquie ; les parens et les meilleurs amis de la maison se mêlent souvent de ce commerce. Pour éviter cet inconvenient, on les marie à 7 ou 8 ans, ou bien on les enferme dans des couvents ; ainsi les lorgnettes que nous avions apportées de Paris nous furent tout-à-fait inutiles, et l’on avoit apparamment enlevé depuis peu ce qu’il y avoit de plus joli dans le pays. Voici le portrait d’une Georgienne qui nous parut assez gracieuse. De tout temps, pour ainsi dire, on a enlevé ce qu’il y avoit de belles personnes dans le pays. Zonare remarque qu’on y prenoit par ordre du Roy les beaux garçons pour les faire Eunuques et les vendre ensuite aux Grecs ; mais pour appaiser les séditions il en coutoit souvent la vie aux peres.

Ce qu’il y a de plus édifiant sur la frontiere de Georgie, c’est qu’on ne demande rien aux étrangers. On peut entrer et sortir quand on veut des terres du Roy de Perse, sans demander permission à qui que ce soit. Les marchands de nôtre Caravane, qui avoit un peu grossi en chemin, nous assûroient que non seulement on traitoit respectueusement les Francs, mais qu’on les regardoit avec crainte et véneration quand ils avoient des chapeaux et des juste-au-corps ; au lieu qu’on les lapideroit en Turquie s’ils marchoient en pareil équipage. On n’exige que des droits fort modiques sur les marchandises qui entrent en Perse. Nous passâmes, sur cette frontiere, la riviere d’Arpagi, laquelle vient de Cars, ou pour mieux dire, dans laquelle se jette la riviere de Cars, comme on l’a dit