Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/371

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va le bourreau de deux villes qu’il possedoit, parce qu’il n’avoit pas attendu sa derniere volonté. Les bourreaux en Georgie sont fort riches, et les gens de qualité y exercent cette charge ; bien loin qu’elle soit réputée infame, comme dans tout le reste du monde, c’est un titre glorieux en ce pays-là pour les familles. On s’y vante d’avoir eû plusieurs bourreaux parmi ses ancestres, et ils se fondent sur le principe qu’il n’y a rien de si beau que d’éxecuter la Justice, sans laquelle on ne sçauroit vivre en seûreté. Voilà une maxime bien digne des Georgiens.

La Georgie est un pays fort tranquille aujourd’hui, mais elle a servi plusieurs fois de theatre à la guerre entre les Turcs et les Perses. Mustapha Pacha qui commandoit l’armée de Sultan Mourat, prit Teflis en 1578. Il mit tout le pays à feu et à sang, et fit passer à Constantinople les deux fils de la Reyne de Georgie, dont l’un se fit Mahometan, et l’autre mourut Chrétien. Les Perses cependant vinrent au secours des Georgiens, et il resta dans une bataille soixante et dix mille Turcs sur la place. La guerre s’y ralluma encore en 1583. mais les Turcs y furent toujours battus. Mr Chardin décrit fort au long par quels évenemens la Georgie est passée sous la domination des Perses, on peut le consulter la-dessus car cet auteur paroît fort exact ; mais je le trouve trop prévenu en faveur des Georgiennes.

Le Prince de Georgie a plus de six cens Tomans de rente, suivant la maniére de compter du pays ; un Toman vaut 12 écus et demi romains qui font 18 Aslanis ou Abouquels, ce sont des écus que l’on frappe en Hollande pour le Levant. Les Orientaux les nomment Aslanis, à cause de la figure du Lion qu’ils appellent Aslan. Cette monnoye est connüe en Égypte sous le nom d’Abouquel. Les revenus du Prince consistent en une pension de 300 To-