Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/378

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éviter les droits excessifs qu’on y feroit payer. Les Armeniens vont l’acheter sur les lieux et la font porter à Smyrne ou aux autres Echelles de la Mediterranée, pour la vendre aux Francs. On envoye tous les ans plus de deux mille charges de Chameaux, des environs de Teflis et du reste de la Georgie, à Erzeron de la racine appellée Boia. D’Erzeron elle passe dans le Diurbequis où l’on l’employe à teindre des toiles que l’on y fabrique pour la Pologne. La Georgie fournit aussi beaucoup de la même racine pour l’Indostan où l’on fait les plus belles toiles peintes. Nous ne manquâmes pas de nous aller promener au Bazar de Teflis dans lequel on voit toutes sortes de fruits, et sur-tout des Prunes, et d’excellentes Poires de Bon Chrétien d’Eté. Nous allâmes aussi nous promener à la maison de campagne du Prince, qui est dans le fauxbourg par où on arrive de Turquie. Cette maison est distinguée par une estrapade qui est au-devant de la porte ; les Jardins y sont beaucoup mieux plantez et mieux ordonnez que ceux de Turquie. C’est dans ces Jardins que nous vîmes avec admiration cette belle espece de Persicaire à feüilles de Tabac, dont j’ay donné la figure et la description dans un volume de l’Histoire de l’Académie Royale des Sciences. Mr Commelin en a fait mention dans son Traité des Plantes Rares. Comme la graine n’êtoit pas meure pour lors, nous priâmes un Capucin Italien qui avoit fini sa Mission à Teflis, et qui devoit s’en revenir par Smyrne, d’en amasser dans le temps ; ce Pere l’a communiquée, comme nous, aux curieux de Hollande et d’Angleterre. Nous en trouvâmes aussi dans les Jardins des Moines des Trois Eglises.

La maison du Grand Visir est la plus belle de la ville. A peine êtoit-elle achevée quand nous arrivâmes à Teflis. Les appartemens sont en enfilade, mais bas, à la mode