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Lettre XIX.


A Monseigneur le Comte de Pontchartrain, Secretaire d’Etat & des Commandemens de Sa Majesté, etc.


Monseigneur,

Il y a trop long-temps que nous nous promenons dans le Paradis Terrestre, pour ne pas vour rendre compte de nos découvertes. C’est un avantage que nous vous devons, et qui merite plus que des remercimens ordinaires ; mais il faudroit vous rendre de nouvelles actions de graces dans toutes les Lettres que j’ay l’honneur de vous écrire, si vous ne me l’aviez expressément deffendu. Pardonnez-moy donc, je vous supplie, pour cette fois en faveur du Paradis Terrestre. J’espere que ceux qui liront avec attention ce que je vais en dire, conviendront que s’il est possible de marquer aujourd’huy l’endroit où Adam et Eve ont pris naissance, c’est certainement le pays où nous sommes, ou du moins celui d’où nous venons.

A la verité s’il faut expliquer à la lettre l’endroit où Moyse parle de la situation du Paradis Terrestre, on n’a rien proposé qui paroisse d’abord plus naturel que le systeme de Mr Huet ancien Evêque d’Avranche, l’un des plus Sçavans hommes de ce siecle. Moyse assûre que de ce lieu de délices sortoit un Fleuve qui se partageoit en quatre canaux, l’Eufrate, le Tigre, le Phison et le Gehon. Où trouvera-t’on en Asie un pareil fleuve, si ce n’est ce-