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lui des Arabes, c’est à dire l’Eufrate joint au Tigre, et partagé en quatre grands canaux qui se dégorgent dans le sein Persique ? Il semble donc que Mr Huet a satisfait entierement à la lettre, en plaçant le Paradis Terrestre dans ce lieu-là ; néanmoins son systeme ne sçauroit se soutenir, puisqu’il paroît par les Geographes et les Historiens Grecs et Latins, que non seulement l’Eufrate et le Tigre couloient anciennement dans des lits séparez ; mais qu’on s’avisa de faire un canal de communication entre ces deux rivieres, et qu’ensuite, par ordre des Roys de Babylone, d’Alexandre le Grand, et même de Trajan et de Severe, on en tira plusieurs canaux pour faciliter le commerce, et rendre les campagnes plus fertiles. En sorte que l’on ne sçauroit douter que les branches du fleuve des Arabes ne soient l’ouvrage des hommes ; et par conséquent il faut convenir qu’elles n’étoient pas dans le Paradis Terrestre.

Les Commentateurs de la Genese, ceux mêmes qui sont les plus attachez à la lettre, prétendent que pour désigner le Paradis Terrestre, il n’est pas nécessaire de trouver un fleuve qui se partage en quatre canaux, parce que cela peut étre changé depuis le Déluge ; ils croyent qu’il suffit de montrer les sources des rivieres nommées par Moyse, sçavoir l’Eufrate, le Tigre, le Phison et le Gehon. Dans ce sens-là on ne sauroit disconvenir que ce Paradis ne soit sur le chemin d’Erzeron à Teflis, supposé qu’on puisse prendre le Phase pour le Phison, et l’Araxe pour le Gehon, comme ils n’en doutent pas. Ainsi pour ne pas éloigner le Paradis Terrestre des sources de ces quatre rivieres, il faut nécessairement le placer dans ces belles vallées de Georgie, d’où l’on apporte toutes sortes de fruits à Erzeron et desquelles nous avons parlé dans nostre derniere lettre ; ou s’il est permis de regarder le