Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/388

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tour de nôtre camp, de certains roseaux fort déliez et fort propres pour écrire à leur maniére. C’est une espece de Canne qui ne croist que de la hauteur d’un homme, et dont les tiges n’ont que trois ou quatre lignes d’épaisseur, solides d’un nœud à l’autre, c’est à dire remplies d’un bois moüelleux et blanchâtre. Les feüilles qui ont un pied et demi de long, sur huit ou neuf lignes de large, enveloppent les nœuds de ces tiges par une gaine velüe, car le reste est lisse, vert-gai, plié en goutiere à fond blanc. La pannicule ou le bouquet des fleurs n’étoit pas encore bien épanoüi, mais blanchâtre, soyeux, semblable à celui des autres roseaux. Les gens du pays taillent les tiges de ces roseaux pour écrire, mais les traits qu’ils en forment sont tres grossiers, et n’approchent pas de la beauté des caracteres que nous faisons avec nos plumes.

Le 27 Juillet on partit sur les onze heures du soir, et nous marchâmes jusques à six heures du matin dans des plaines marécageuses ; mais nous perdîmes dans la nuit nôtre riviere, et nous fûmes si fort désorientez, quand le jour parut, que nous ne sçeumes de quel costé elle s’étoit jettée. Cependant elle doit se tourner insensiblement vers l’Orient pour aller se rendre à la mer Caspienne ; et l’Araxe qui va joindre le Kur en doit faire de même ; mais il faut que ce soit loin d’Erivan, puisque dans toute nostre route, nous n’avons plus veû ni entendu parler du Kur. On se reposa ce jour-là jusques à huit heures, et l’on ne marcha que jusques à environ midi et demi, pour s’arrêter à Sinichopri village où il y a un assez beau pont de pierre, et une espece de Fort abandonné. Nous en partîmes sur les deux heures pour aller camper dans des montagnes assez herbuës, où nous fûmes surpris de trouver des Plantes les plus communes, parmi quelques autres assez singulieres. Qui est-ce qui se seroit attendu de