Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/401

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quelle famille de Caius. Ils sont plus embarrassez à trouver la genéalogie de Repsime dont le nom n’est pas Romain : cependant on lit dans leur Chronique, que c’êtoient deux Princesses Romaines, qui vinrent en Levant pour voir Saint Gregoire ; mais Tiridate Roy d’Armenie ayant trouvé cela fort mauvais, fit descendre Caiane dans un puis plein de serpens, ne doutant pas qu’elle n’y mourût dans peu de temps : neanmoins la Sainte n’en fut pas blessée ; les serpens y perirent, et Caiane y vêcut en bonne santé pendant quarante ans. Comment accorder tout cela avec la suite de l’Histoire ? car ils ajoûtent que le Roy Tiridate en êtant devenu amoureux, et ne pouvant pas la fléchir, non-plus qu’aucune de ses compagnes qui étoient de belles personnes, et que la Chronique met jusques au nombre de quarante, leur fit souffrir à toutes le martyre.

A l’égard de la campagne qui est autour des Trois Eglises, elle est tout-a-fait admirable, et je n’en connois point qui donne une plus belle idée du Paradis Terrestre. On n’y voit que ruisseaux qui la rendent extrémement fertile, et je doute qu’il y ait un pays sur la terre où l’on recüeille autant de denrées tout à la fois. Outre la grande quantité de toutes sortes de grains qu’on en retire, on y trouve des champs d’une étenduë prodigieuse, tout couverts de tabac. Ce seroit une plaisante question à proposer en Botanique ; sçavoir si cette plante étoit dans le Paradis Terrestre, car elle fait en ce monde les délices de bien des gens qui ne sauroient se passer d’en faire un continuel usage : cependant originairement elle vient d’Amerique ; mais elle se porte aussi-bien en Asie que dans son propre pays. Le reste de la campagne des Trois Eglises est plein de Ris, de Coton, de Lin, de Melons, de Pastéques, et de beaux vignobles. Il n’y manque que des