gens du pays ne sçavent à quel usage elle a servi, ni dans quel temps elle a êté bâtie. Les Mosquées de la ville n’ont rien de particulier. Mr Chardin assûre que les Turcs prirent Erivan en 1582. et qu’ils y bâtirent la Forteresse ; que les Persans l’ayant reprise en 1604. la mirent en état de résister au canon ; qu’elle soutint un siege de quatre mois en 1615 ; que les Turcs furent obligez de le lever ; qu’ils n’emporterent la place qu’aprés la mort d’Abas le grand ; qu’enfin les Persans l’ayant reprise en 1635. ils en sont demeurez les maîtres depuis ce temps-là.
Aprés nous être promenez dans la ville, nous allâmes voir le Patriarche des Armeniens qui loge dans un ancien Monastere hors de la ville ; mais il s’en faut bien qu’il ne soit aussi-bien logé qu’aux Trois Eglises. Ce Patriarche qui s’appelle Nahabied étoit un bon vieillard assez rougeau, qui par humilité, ou pour être plus à son aise, n’avoit sur son corps qu’une mauvaise soutane de toile bleüe. Nous lui baisâmes les mains, à la mode du pays, et cette cerémonie lui fit grand plaisir, à ce que nous dirent nos Interpretes ; car il y a bien des Francs qui ne lui font pas le même honneur ; mais nous lui aurions baisé les pieds pour peu qu’il eût témoigné le souhaiter, attendu le besoin que nous avions de son credit. Par reconnoissance il nous fit servir une colation, à la verité tres-frugale. On vit paroître, sur un cabaret de bois, un plat de noix au milieu de deux assiettes, sur l’une desquelles il y avoit des prunes et sur l’autre des raisins. On ne nous presenta ni pain, ni foüasse, ni biscuit. Nous mangeâmes une prune et bûmes chacun un coup à la santé du Prelat, c’étoit d’excellent vin rosé ; mais comment reboire sans pain ? nos Interpretes qui étoient dans le Vestibule eurent l’esprit de s’en faire donner, sans oser pourtant nous en presenter ; nous aurions excusé volontiers pour le coup leur incivi-