Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/416

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pretes, que nous ferions les choses honnêtement. Cette promesse eut tout le succés que nous pouvions attendre ; nous fûmes bien traitez, aussi leur tinmes-nous parole le lendemain avant que de partir.

La Campagne de Nocquevit est admirable, toutes sortes de biens y abondent, et l’on y méprise des Melons que l’on estimeroit fort à Paris. On ne bâtit dans tous ces quartiers-là qu’avec des quarreaux de boüe cuite au soleil, faute de bois.

Nous partîmes à quatre heures du matin le 9 Aoust, avec des visages défigurez par les piqueüres des cousins qui nous faisoient une cruelle guerre pendant la nuit depuis quelques jours. Nous continuâmes nôtre route par une grande et belle plaine qui conduit au Mont Ararat. On se retira sur les huit heures du matin à Corvirap ou Couervirab qui en langue Armenienne signifie, à ce qu’on dit, l’Eglise du Puits. Corvirap est un autre Monastere d’Armeniens dont l’Eglise est bâtie sur un Puits, où ils assûrent que Saint Gregoire fut jetté et nourri miraculeusement, comme Daniel dans la Fosse aux Lions. Le Monastere paroît comme un petit Fort sur le haut d’une colline qui domine sur toute la Plaine, et c’est de cette hauteur que nous commençames à voir la riviere d’Aras, si connuë autrefois sous le nom d’Araxes ; elle passe à quatre lieües du Mont Ararat. Nous fûmes obligez de nous reposer et de nous rafraîchir dans ce Monastere, car nous passions de cruelles nuits à cause des cousins, et le jour les chaleurs étoient insupportables. Ce genre de vie duroit cependant depuis Teflis ; mais nous fûmes tout consolez de nos fatigues à la veüe de l’Araxe et du Mont Ararat. De Crovirap on découvre distinctement les deux sommets de cette fameuse Montagne. Le petit, qui est le plus pointe, n’étoit point couvert de neige ; mais le grand