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Le 10 d’Aoust nous partîmes de Corvirap et marchâmes jusques à 7 heures pour trouver le gué de l’Aras qui ne passe qu’à une lieüe du Monastere. Quelque rapide que soit cette riviere, le gué en est si large et si étendu qu’un de nos guides risqua de le passer sur un âne ; à la verité il eut assez de peine à s’en tirer. On arriva sur les onze heures au pied de la montagne, et nous dinâmes, suivant la coutume du pays, dans l’Eglise d’un Couvent au village d’Acourlou ; ce Couvent, qui est ruiné, s’appelloit autrefois Araxil-vane, c’est à dire le Monastere des Apôtres. Toute la plaine au delà de l’Aras est remplie de belles Plantes. Nous y en observâmes une d’un genre bien singulier à laquelle je donnay le nom de Polygonoides, parce qu’elle a beaucoup de rapport à l’Ephedra, qu’on a nommée autrefois Polygonum Maritimum.

C’est un arbuste de trois ou quatre pieds de long, fort touffu et fort étendu sur les côtez, son tronc est tortu, dur, cassant, épais comme le bras, couvert d’une écorce roussâtre, divisé en branches tortuës aussi, subdivisées en rameaux d’où naissent, au lieu de feüilles, des brins cilindrique sépais de demi ligne vert-de-mer, longs d’un pouce ou 15 lignes, composez de plusieurs pieces articulées bout, si semblables aux feüilles de l’Ephedra, qu’il n’est pas possible de les distinguer sans voir les fleurs. Des articulations de ces brins il en sort d’autres qui sont articulez de même, et ces derniers poussent dans leur longueur quelques fleurs de trois lignes de diametre. Ce sont des bassins découpez en cinq parties jusques vers le centre, vert-pâle dans le milieu, et blancs dans le reste. Du fond de chaque bassin sort un pistile long d’une ligne et demi, anguleux, relevé de petites arêtes et entouré d’étamines blanches dont les sommets sont purpurins.