Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/425

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mais nos guides nous voyoient si attachez à la recherche des plantes, qu’ils ne croyoient pas que nous pensassions à autre chose. Qui est-ce qui se pourroit imaginer aussi qu’Annibal fût venu des côtes d’Afrique jusques à l’Araxe, pour servir d’Ingenieur à un Roy d’Armenie ? Plutarque le certifie pourtant ; et dit que ce fameux Affriquain, aprés la défaite d’Antiochus par Scipion l’Asiatique, s’enfuit en Armenie, où il donna mille bons avis à Artaxes, entre autres celui de bâtir Artaxate dans la situation la plus avantageuse de son Royaume. Lucullus feignit de vouloir assiéger cette Place, afin d’attirer au combat Tigrane son successeur ; mais le Roy d’Armenie vint se camper sur le fleuve Arsamias pour en disputer le passage aux Romains : suivant cette remarque, Arsamias ne sçauroit être que la riviere d’Erivan. Les Armeniens furent battus à ce passage et dans une seconde rencontre aprés le passage. Nôtre Historien assûre que Lucullus jugea à propos de monter vers l’Iberie ; ainsi Artaxate ne fut pas prise. Pompée qui eut le commandement de l’armée, aprés lui, pressa si fort Tigrane qu’il l’obligea de lui remettre sa Capitale sans coup ferir. Corbulon General des Romains, sous l’Empereur Neron, contraignit le Roy Tiridate de luy ceder Artaxate ; mais bien loin de l’épargner, comme avoit fait Pompée, il la fit entierement détruire. Cependant Tiridate vint à Rome et fit sa paix avec l’Empereur, qui non seulement lui remit le Diadême sur la tête ; mais lui permit encore d’emmener de Rome des ouvriers pour rétablir Artaxate, que le Roy d’Armenie, par reconnoissance, appella Neronia du nom de son bienfaicteur. Il est surprenant qu’aucun des Auteurs qui parlent de cette Place, ne nous ait dit que le nom que portoit alors le Mont Ararat, sur lequel nous allons monter.