Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/448

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la nuit pour aller au village chercher du pain et du vin, car aprés ce manége nous avions le ventre assez vuide ; nous n’y arrivâmes que sur le minuit, et celui qui gardoit la clef de l’Eglise où nous devions souper et coucher, dormoit tout à son aise à l’autre bout du village. On fut trop heureux, à cette heure-là, de pouvoir trouver du pain et du vin. Aprés ce leger repas nous ne laissâmes pas de dormir d’un profond sommeil, sans réve, sans inquiétude, sans indigestion, et même sans sentir les piqueures des cousins.

Le lendemain 12 Aoust nous partîmes d’Acourlou à six heures du matin, pour retourner aux Trois Eglises, où nous n’arrivâmes que le 13 aprés avoir passé l’Araxe à gué ; ce qui nous fit perdre bien du temps, car cette riviere est connüe pour indocile depuis le siécle d’Auguste ; elle est trop rapide pour souffrir des Ponts, et autrefois elle a renversé ceux que les Maîtres du monde y avoient fait construire. Cet Araxe, sur les bords duquel on a veû les plus fameux Conquerans de l’antiquité, Xerxés, Alexandre, Lucullus, Pompée, Mithridate, Antoine ; cet Araxe, dis-je, séparoit l’Arménie du pays des Medes, ainsi les Trois Eglises et Erivan se trouvent dans la Medie. Les anciens auteurs font venir, avec raison, cette riviere de ces fameuses Montagnes où l’Euphrate a ses sources, car nous la trouvâmes à Assancalé proche d’Erzeron d’où l’Euphrate n’est pas éloigné, comme nous l’avons remarqué plus haut. Les Geographes qui disent que l’Araxe coule du Mont Ararat, se trompent fort ; ils ont pris le ruisseau d’Acourlou pour l’Aras, lequel est plus large entre le Mont Ararat et Erivan, que la Seine ne l’est à Paris.

Le 14 Aoust nous séjournâmes aux Trois Eglises pour y attendre six chevaux que nous avions envoyé chercher