Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/449

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à Erivan, dans le dessein de nous en retourner à Cars. Nous eûmes le chagrin de partir sans compagnie, car toutes les Caravanes qui étoient aux Trois Eglises alloient à Tauris, et quelqu’honnêtes gens que soient les Persans, nous apprehendions fort leurs frontieres, et sur tout le voisinage de Cars. Il tomba ce jour-là tant de neige sur le Mont Ararat, que son petit sommet en étoit tout blanc. Nous rendîmes graces au Seigneur d’en être revenus, car peut-être que nous nous serions perdus, ou que nous serions morts de faim sur cette Montagne. On partit le lendemain à six heures du matin, et nous marchâmes jusques à midi dans une plaine fort seche, couverte de differentes especes de Soude, d’Harmala, de cette espece de Ptarmica que Zanoni a prise pour la premiere espece d’Aurone de Dioscoride. L’Alhagi Maurorum de Bauvolf, qui fournit la Manne de Perse, s’y trouve par tout. J’en ay donné ci-devant la description. On campa ce jour-là sur le bord d’un ruisseau auprés d’un village assez agréable par la verdure qui étoit aux environs. Nous n’y restâmes qu’environ une heure, et laissant toujours le Mont Ararat à main gauche, nous tirions vers le couchant pour venir à Cars. On continua de marcher jusques à six heures aprés midi, mais ce fut dans des plaines remplies de cailloux et de rochers.

Il me semble que le pays que Procope appelle Dubios, ne devoit pas être éloigné du Mont Ararat. C’est une Province, dit-il, non seulement fertile, mais tres-commode par la bonté de son climat et de ses eaux, éloignée de Theodosiopolis de huit journées. On n’y voit que de grandes plaines où l’on a bâti des villages assez prés les uns des autres, habitez par des Facteurs qui s’y sont établis pour faciliter le commerce des marchandises de la Georgie, de la Perse, des Indes et de l’Europe, lesquelles on