Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/47

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bre d’aspres. On y châtie quelquefois les Chirurgiens de la même maniére ; mais au lieu de pierres, on met au bout de ces planches plusieurs sonettes qui sont un carrillon épouventable pendant la promenade qu’on leur fait faire dans les ruës. Cela signifie qu’ils sont accusez d’avoir laissé mourir plusieurs personnes par leur faute ; et cette cérémonie ne se fait, à ce que disent les Musulmans, que pour avertir de ne se pas mettre légerement entre les mains de pareils assassins.

Si l’on trouve un corps mort dans les ruës, les plus proches voisins sont condamnez à payer le sang, supposé que l’auteur du meurtre ne soit pas connu : la crainte que tout le monde a d’un tel malheur, fait que chacun s’empresse à appaiser les querelles, et à prévenir les desordres qui pourroient arriver dans son voisinage. On ferme les boutiques au coucher du soleil, et on ne les ouvre qu'au soleil levant. Chacun se retire de bonne heure chez soi ; en un mot il se fait plus de bruit en un jour dans un marché de Paris, qu’il ne s'en fait pendant un an dans toute la ville de Constantinople. Le Grand Seigneur va quelquefois déguisé et suivi d’un bourreau pour voir ce qui se passe dans cette grande ville. Mahomet IV. qui haïssoit fort le tabac en fumée, et qui étoit bien informé qu’on mettoit souvent le feu aux maisons en fumant, ne se contenta pas de faire publier de cruelles Ordonnances contre les fumeurs ; il faisoit quelquefois sa ronde pour les surprendre et l’on asseûre qu’il en faisoit pendre autant qu’il en trouvoit : mais c’étoit aprés leur avoir fait passer une pipe au travers du nez, et leur avoir fait attacher autour du col un rouleau de tabac. Le Guet par toute la Turquie conduit en prison ceux qui se trouvent dans les ruës pendant la nuit, de quelque nation et de quelque religion qu’ils soient ; mais on n’y fait gueres de capture, la peur d’avoir la bastonna-