Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/46

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re. Ce Lieutenant tient le Divan et donne audiance aux Ambassadeurs ; mais le plus grand agrément de cette Charge, c'est qu’il ne répond pas des evénemens pour les affaires d’Etat ; et s’il se passe quelque chose où le Grand Seigneur trouve à redire, le Caimacan s’en excuse sur les ordres qu’il a reçeus du premier Visir. Le Caimacan outre cela est Gouverneur de Constantinople, où il fait exercer une Police admirable. Si un Boulanger vend du pain à faux poids, on le tient pendant 24. heures cloüé par une oreille à la porte de sa boutique. Ceux qui vendent les premiers fruits, tirent l’argent les premiers ; mais ils ne vendent pas plus cher que les autres : la nouveauté ne se paye pas en Turquie comme en France, et un Marchand qui la voudroit faire payer s’exposeroit à la bastonnade. On peut en toute seureté envoyer des enfans au marché, pourveû qu’ils sachent demander ce qu’ils veulent. Les Officiers de Police les arrêtent dans les ruës, ils examinent ce qu’ils portent, le pesent, et laissent passer l’enfant, s’il n'a pas été trompé ; mais s’ils reconnoissent qu’on lui ait vendu à faux poids, à fausse mesure, ou trop cher, ils le rameinent chez le marchand qui est condamné à la bastonnade ou à l'amende. Il est de l’interest des fruitiers que les enfans soient sobres : car s’ils s’avoisoient de manger en chemin quelque figue ou quelque cerise, le pauvre marchand en seroit la dupe. Ordinairement on donne trente coups de bâton pour un oignon qui se trouveroit de moins, et vingt-cinq pour un poireau. Si l’on fait grace des coups de bâton, punition ordinaire en cas de récidive, ce n'est que pour mettre autour du col du vendeur deux grosses planches échancrées et chargées à chaque bout de pierres fort pesantes. On promene en cet équipage ces pauvres fruitiers par toute la ville, et s’ils veulent se reposer, en chemin faisant, ce n’est qu'à condition qu’ils payeroient certain nom-