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Lettre XX.

A Monseigneur le Comte de Pontchartrain, Secretaire d’Etat et des Commandemens de Sa Majesté, etc.

Monseigneur,

Comme nous écrivions tous les soirs, pendant le séjour que nous fîmes à Erzeron, ce que nous apprenions pendant la journée en nous entretenant avec les Armeniens et principalement dans le Couvent où nous logions ; il se trouva à la fin que nos remarques jointes à celles que nous avions faites dans les autres Couvens et sur nos differentes routes, me fournirent assez de matiere pour vous adresser une Lettre touchant le genie, les mœurs, la religion, et le commerce de cette Nation. Je vous prie donc, Msgr, de vouloir agréer le fruit de nos conversations.

Les Armeniens sont les meilleures gens du monde, honnêtes, polis, pleins de bon sens et de probité. Je les estimerois heureux de ne sçavoir par manier les armes, s’il n’étoit nécessaire, de la maniére dont les hommes sont faits, de s’en servir quelquefois pour éviter leur cruauté. Quoiqu’il en soit les Armeniens ne se mêlent que de leur commerce, et s’y appliquent avec toute l’attention dont ils sont capables. Non seulement ils sont les maîtres du commerce du Levant, mais ils ont beaucoup de part à celui des plus grandes villes de l’Europe. On les voit venir du fond de la Perse jusqu’à Li-