Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/480

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vourne ? Il n’y a pas long-temps qu’ils étoient établis à Marseille. Combien en trouve-t’on en Hollande et en Angleterre ? Ils passent chez le Mogol, à Siam, à Java, aux Philippines, et dans tout l’Orient, excepté la Chine.

Le centre des Marchands Armeniens n’est pas en Armenie, mais à Julfa celebre fauxbourg d’Hispaham, que tous les voyageurs ont décrit. Ce fauxbourg qui merite bien le nom de ville, puisqu’il renferme plus de trente mille habitans, est une Colonie d’Armeniens que le plus grand Roy de Perse Cha-Abbas, premier du nom, établit dabord dans Hispaham, et que l’on transporta peu de temps aprés au delà de la riviere de Zenderou, pour les séparer des Mahometans qui les méprisoient à cause de leur religion. On prétend que ce changement se fit sous le petit Cha-Abbas ; d’autres asseûrent qu’il est plus ancien. Il est certain du moins que le premier auteur de la Colonie est le grand Cha-Abbas contemportain de Henri IV. à qui il envoya le P. Juste Capucin en qualité d’Ambassadeur ; mais il n’arriva qu’aprés la mort du Roy. Cha Abbas travailla efficacement à deux choses pour le bien de son Royaume : il le mit à couvert des insultes des Turcs, et il l’enrichit beaucoup par l’établissement du commerce. Pour empécher les Turcs, que les Persans appellent Osmalins, de pénétrer avant dans les Etats, il crut qu’il étoit nécessaire de leur ôter le moyen d’entretenir de grandes armées sur ses Frontieres ; et comme l’Armenie est une des principales, sur laquelle les Turcs se jettoient ordinaiement, il a dépeupla autant qu’il le jugea nécessaire à son dessein. Le sort tomba sur la ville de Julfa la plus grande et la plus puissante du pays, dont les ruines se voyent encore sur l’Araxe, entre Erivan et Tauris. Les habitans de Julfa eurent ordre de passer à Hispaham, et depuis ce temps-là, cette ville qu’ils aban-