Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/495

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contentent de recevoir les presens que leur font les Parties à mesure qu’elles reviennent à la charge : en attendant chacun débit son huile comme il peut.

Ils la préparent depuis les Vespres du Dimanche des Rameaux, jusques à la Messe du Jeudi Saint, laquelle ce jour là se celebre sur le grand vaisseau où l’on conserve cette liqueur. On n’employe ni bois ni charbon ordinaire pour faire boüillir la chaudiere où on la prépare, et cette chaudiere est plus grande que la marmite des Invalides. On la fait boüillir avec des bois benits, et même avec tout ce qui a servi aux Eglises, vieilles images, ornemens usez, livres déchirez et trop gras ; tout est reservé pour cette céremonie. Ce feu ne doit pas sentir trop bon ; mais l’huile est parfumée par des herbes et par des drogues odoriferantes que l’on y mêle. Ce ne sont pas de petits clers qui travaillent à cette merveilleuse composition ; c’est le Patriarche lui-même, vêtu pontificalement et assisté au moins de trois Prelats en habits Pontificaux, qui récitent tous ensemble des priéres pendant toute la céremonie. Le peuple en est plus frappé que de la présence réelle de Jesus-Christ ; tant il est vrai que les hommes ne sont susceptibles que des choses sensibles !

Il n’y a rien à dire en particulier des Archevêques et des Evêques Armeniens, si ce n’est qu’il y en a plusieurs qui sont sans Diocese et qui logent dans des Monasteres dont ils sont Abbez. Tous ces Prelats sont subordonnez au Patriarche, comme dans les autres Eglises chrétiennes. Il seroit à souhaiter seulement qu’ils s’acquitassent de leurs devoirs ; mais ils n’ont aucun zéle et sont plongez dans une ignorance pitoyable ; aussi les considere-t-on bien souvent moins que les Vertabiets. Quelquefois ils sont Evêques et Vertabiets tout ensemble, c’est à dire Evêques et Docteurs. Ces Vertabiets qui font tant de bruit parmi les