Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/496

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Armeniens, ne sont pas véritablement de grands Docteurs ; mais ce sont les plus habiles gens du pays, ou du moins ils passent pour tels. Pour être receû à ce degré si eminent il ne faut pas avoir étudié la Theologie pendant longues années ; il suffit de sçavoir la langue Armenienne litterale, et d’apprendre par cœur quelque sermon de leur grand Maître Gregoire Atenasi, dont toute l’éloquence brilloit dans les blasphémes qu’il vomissoit contre l’Eglise Romaine. La Langue litterale est chez eux la Langue des sçavans, et l’on prétend qu’elle n’a aucun rapport avec les autres Langues Orientales ; c’est ce qui la rend si difficile. On asseûre qu’elle est fort expressive et enrichie de tous les termes de la religion, des sciences et des arts, ce qui montre que les Armeniens étoient autrefois bien plus habiles qu’ils ne sont aujourd’hui. Enfin c’est un grand merite chez eux d’entendre cette langue ; elle ne se trouve que dans leurs meilleurs manuscrits. Les Vertabiets sont sacrez, mais ils disent rarement la Messe, et sont proprement destinez pour la predication. Leurs sermons roulent sur des paraboles mal imaginées, sur des passages de l’Ecriture mal entendus et mal expliquez, et sur quelques histoires vrayes ou fausses qu’ils sçavent par tradition ; cependant ils les prononcent avec beaucoup de gravité, et ces discours leur donnent presque autant d’authorité qu’au Patriarche : ils usurpent sur tout celle d’excommunier. Aprés s’être exercez dans quelques villages, un ancien Vertabiet les reçoit Docteurs avec beaucoup de céremonies, et leur met entre les mains le bâton pastoral. La céremonie ne se passe pas sans Simonie, car le degré de Docteur étant regardé parmi eux comme un Ordre sacré, ils ne font aucun scrupule de le vendre de même que les autres Ordres. Ces Docteurs ont le privilege d’être assis en prêchant et de tenir le bâ-