Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/50

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nissaires marchent pour aller à l’armée, le Sultan leur fournit des chevaux pour porter leur bagage, et des chameaux pour porter leurs tentes : sçavoir un cheval pour dix soldats, et un chameau pour vingt. A l’avenement de chaque Sultan sur le Thrône, on augmente leur paye d’un aspre par jour.

Les Chambres heritent de la dépoüille de ceux qui meurent sans enfans, et les autres quoi-qu’ils ayent des enfans ne laissent pas de leguer quelque chose à leur chambre. Parmi les Janissaires il n’y a que les Solacs et les Peyes qui soient de la garde de l’Empereur : les autres ne vont au Serrail que pour accompagner leurs Commandans les jours de Divan, et pour empescher les desordres qui pourroient arriver dans la cour ; ordinairement on les met en sentinelle aux portes et aux carrefours de la ville pour y faire le guet. Tout le monde les craint et les respecte, quoi-qu’ils n’aient qu’une canne à la main ; car on ne leur donne leurs armes que lors qu’ils vont en campagne. La pluspart des Janissaires ne manquent pas d’éducation, étant tirez du corps des Azancoglans, parmi lesquels leur impatience ou quelqu’autre defaut ne leur a pas permis de rester. Ceux qui doivent estre reçeus passent en reveuë devant le Commissaire, et chacun tient le bas de la veste de son compagnon. On écrit leurs noms sur le registre du Grand Seigneur, aprés-quoi ils courent tous vers leur Maître-de-chambre, qui pour leur faire connoître qu’ils sont sous sa jurisdiction, leur donne à chacun en passant un coup de main derriere l’oreille. On leur fait faire deux sermens lors de leur enrollement ; le premier est de servir fidellement le Grand Seigneur ; le second de suivre la volonté de leurs camarades touchant les affaires du corps. Il n’y a point de corps dans la Turquie qui soit si uni que celui des Janissaires ; c’est cette grande union qui soutient