Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/508

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instruisent ceux qui se présentent, ils baptisent, ils raménent au bercail les brebis égarées, ils ouvrent les portes du Ciel aux Elus.

Quel dommage que les Armeniens n’ouvrent pas les yeux, car d’ailleurs ils sont d’un bon naturel et portez à la dévotion ! Leurs Eglises sont d’une grande propreté depuis qu’ils ont veû les nôtres ; il n’y a dans chaque Eglise qu’un seul autel placé au fond de la nef dans le sanctuaire, où l’on monte par cinq ou six marches. Ils font des dépenses considérables pour orner ce sanctuaire. Il n’est permis à auncun séculier, de quelque qualité qu’il soit, d’y entrer. On voit bien par les richesses de ce lieu, que les Armeniens manient plus d’écus, que les Grecs de doubles. La misere paroît chez les Grecs dans ce qu’ils ont de plus sacré, à peine ont-ils deux petites bougies pour dire la Messe. Chez les Armeniens, au contraire, on voit de belles illuminations et de grosses torches ; leur chant est bien plus agréable aussi, et la simphonie des sonnettes attachées à l’instrument dont on a parlé, et dont on donne ici la figure, inspire je ne sçai quoi qui attendrit le cœur ; on en joüe à l’Evangile et quand on transporte les especes.

Les Armeniens n’apportent pas plus de préparation pour la Confession que pour la Communion ; on peut même dire, sans calomnie, que la pluspart de leurs confessions sont autant de sacrileges. Les Prêtres ignorent l’essentiel de ce Sacrement, et les penitens qui sont de grands pecheurs aussi-bien que nous, ne sçavent pas distinguer le peché de qui ne l’est pas. Malheureusement ni les uns ni les autres ne sont pas capables de faire un bon acte de contrition. Les declarations des pechez sont vagues et indéterminées ; sans insister même sur ceux qu’ils ont commis, quelques-uns en disent trois fois plus qu’ils n’en ont fait, et récitent par cœur une liste de crimes