Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/538

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toiles peintes de Tocat ne sont pas si belles que celles de Perse, mais les Moscovites et les Tartares de la Crimée s’en contentent. Il en passe même en France, et ce sont celles que nous appellons Toiles du Levant. Tocat et Amasia en fournissent plus que tout le reste du pays.

Il faut regarder Tocat comme le centre du commerce de l’Asie mineure. Les Caravanes de Diarbequir y viennent en dix-huit jours ; un homme à cheval fait le chemin en douze. Celles de Tocat à Synope mettent six jours ; les gens de pied y vont en quatre jours. De Tocat à Prusse les Caravanes employent vingt jours, les gens à cheval y arrivent en quinze. Celles qui vont en droiture de Tocat à Smyrne, sans passer par Angora ni par Pruse, sont vingt-sept jours en chemin avec des mulets, et quarante jours avec des chameaux, mais elles risquent d’être maltraitées par les voleurs. Une partie de nôtre Caravane partit pour Prusse, et l’autre pour Angora, dans le dessein d’aller à Smyrne et d’eviter les voleurs. Nos Armeniens nous asseûrérent qu’ils gagoient beaucoup plus à faire voiturer leur soye à Smyrne, car ils ne l’avoient achetée à Gangel sur la frontiere de Perse, qu’à raison de vingt écus de Batman ; en sorte que vendant le même poids à Smyrne, sur le pied de trente écus, ils gagnoient trois écus sur chaque Batman, déduction faite de tous les frais qu’ils sont obligez de faire pendant leur route. Ce gain est tres considérable, parce qu’un Batman ne pese que 6 Oques, c’est à dire 18 livres 12 onces ; et la charge d’un cheval étant du poids de 600 livres, et celle d’un chameau de 1000, il y a, tout bien supputé, 100 écus à gagner sur chaque charge de cheval, et 500 livres sur celle d’un chameau. Les marchands qui font conduire dix charges de soyes gagnent donc mille écus par cheval, et cinq mille livres par chameau, sans compter le profit qu’ils font sur