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Chevre se vend depuis 4 livres jusques à 12 ou 15 livres l’Oque ; il y en a même de 20 ou 25 écus l’Oque, mais ce dernier est destiné uniquement pour le Camelot que l’on fait pour le Serrail du Grand Seigneur. Les ouvriers d’Angora employent le fil de Chevre tout pur dans leurs Camelots, au lieu qu’à Bruxelles, je ne sçai par quelle raison, on est obligé d’y mêler du fil de laine. En Angleterre on mêle cette toison dans les Perruques, mais il ne faut pas qu’elle soit filée : elle fait la richesse d’Angora, tous les bourgeois s’appliquent à ce commerce. On a raison de préferer le poil de Chevre d’Angora, à celui de Cougna, qui est l’ancienne ville d’Iconium où Ciceron fit assembler l’armée Romaine ; car les Chevres de Cougna sont toutes ou brunes ou noires.

Le 2 Novembre nous partîmes d’Angora pour Pruse ou Brousse, comme disent les Francs, accompagnez seulement d’un voiturier Turc et d’un valet Grec qui n’entendoit pas le Franc, ainsi nous fûmes obligez de nous servir nous-mêmes. On ne marcha ce jour-là que pendant quatre heures, dans un beau pays plat et bien cultivé. Nous couchâmes à Sousous méchant village où nous joignîmes quelques personnes de Kesarie qui alloient à Pruse. Le 3 Novembre on marcha pendant sept heures, dans de belles plaines relevées d’une seule colline, en deçà d’Aias ville assez jolie, dans un fond dont les Jardins sont agréables et où il ne manque pas de vieux marbres. Le lendemain nous arrivâmes à Beibazar aprés neuf heures de marche.

Beibazar est une petite ville bâtie sur trois collines à peu prés égales, dans une vallée assez reserrée. Les maisons sont à deux étages, couvertes assez proprement avec des planches ; mais il faut toujours monter ou descendre. Le ruisseau de Beibazar se jette dans l’Aiala aprés avoir fait