Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/591

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grand est magnifique, relevé de quatre grands dômes couverts de plomb, percez comme en écumoire, s’il m’est permis de me servir de cette comparaison ; et tous les trous de ces dômes sont fermez par des cloches de verre semblables à celles dont les Jardiniers se servent pour couvrir les Melons. Toutes les Sales de ce Bain sont pavées de marbre. La premiere est fort grande et comme partagée en deux par une arcade gothique. Le milieu de cette Sale est occupé par une belle fontaine à plusieurs tuyaux d’eau froide, et le tour des murailles est relevé d’une banquette de deux pieds, couverte de nattes, sur lesquelles on quitte ses habits. A droite sont les Salons où l’on se baigne, éclairez par des dômes percez de même que les grands. On tempere dans ces appartemens les sources d’eau chaude avec celle d’eau froide. Le réservoir de marbre où l’on se baigne, et où l’on nagi si l’on veut, est dans la derniere Sale. On fume dans cette maison, et l’on y boit du Caffé et du Sorbec ; ce dernier n’est que de l’eau à la glace, dans laquelle on délaye quelques cueillerées de Raisiné. Ce Bain n’est destiné que pour les hommes, les femmes se baignent dans l’autre ; mais il n’est pas si beau, les dômes en sont petits et couverts de ces tuiles creuses, qu’on appelle des Fequieres à Paris.

Les sources d’eau chaude coulent sur le chemin qui est entre les deux Bains. Leur chaleur est si grande, que les œufs y deviennent mollets dans dix ou douze minutes, et tout-a-fait durs en moins de vingt ; ainsi l’on n’y sçauroit souffrir le bout du doigt. L’eau qui est douce, ou plutost fade, sent un peu la teinture du cuivre ; elle fume continuellement. Les parois des canaux sont couleur de roüille, et la vapeur de ces eaux sent les œufs couvis. Ces Bains sont sur une colline qui se perd dans la grande Plaine de Pruse. Sur la même croupe en-