Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/593

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et tortues. Toutes ces parties poussent des jets de deux ou trois pouces de long, terminez par des œilletons ou des bourgeons rougeâtres ; mais le trognon et les subdivisions sont noiratres en dehors, et blanchatres en dedans. Les fibres qui les accompagnent sont touffuës, longues de huit ou dix pouces, grosses depuis une ligne jusques à deux, peu ou point du tout chevelües. Les plus vielles sont noiratres en dedans, d’autres brunes ; les nouvelles sont blanches ; les unes et les autres ont la chair cassante, sans acreté ni odeur, et sont traversées d’un nerf roussatre. Elles sentent comme le lard quand elles boüillent dans l’eau.

De 25 livres de ces racines, nous en tirâmes deux livres et demi d’extrait, brun, tres amer et résineux. Il purge étant pris seul depuis 20 grains jusques à demi gros. Trois Armeniens à qui nous en donnâmes, se plaignirent tous d’avoir eté fatiguez par des nausées, des tiraillemens d’entrailles, d’une impression de feu, et d’acreté dans l’estomac, le long de l’esophage, dans la gorge et au fondement ; de crampes, de mouvemens convulsifs, joints à des élancemens violens dans la tête, qui venoient comme par fusées, et qui se renouvelloient quelques jours aprés. Ainsi nous commençames par rabbatre la moitié de l’estime que nous avions pour ce grand remede. A l’égard des racines, il faut en user comme de celles de nôtre Ellebore, les faire boüillir à la quantité d’un gros, ou d’un gros et demi dans du lait, les laisser infuser pendant la nuit ; faire chauffer le lait le lendemain au matin et le passer par un linge.

Les Turcs attribuent de grandes vertus à cette Plante, mais nous ne pûmes les apprendre. Le Sr Antoine Cerci qui a pratiqué long temps la Medecine à Constantinople, à Cutaye et à Pruse, nous asseûra qu’il ne s’en servoit plus, à cause des accidens qu’elle cause aux malades. Il nous apprit qu’on amassoit de la Gomme Adragant, à Caraissar,