Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/606

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d’Espagne, et d’Adrachne. La Porte de Fer est un méchant Caravanserai abbandonné, dans une de ses vallées, sur un ruisseau qui coule vers le levant ; heureusement nous passâmes tous ces défilez dans une saison où les voleurs ne sçauroient tenir la campagne.

Le 13. Decembre aprés une route de dix heures, par des défilez remplis de Chênes, de Pins, et de Phillipea, que l’on brûle souvent pour multiplier les pâturages ; nous couchâmes à Courougoulgi, et nous trouvâmes à moitié chemin de Mandragoia le village de Tchoumlekechi. On ne voit que nids de Cigognes sur les Caravanserais de la route ; ces nids sont comme de grands paniers creusez en bassin, tissus confusément de branches d’arbres. Les Cigognes ne manquent pas d’y revenir tous les ans faire leurs petits, et les gens du pays, bien loin de les chasser, ont ces Oyseaux en si grande veneration, qu’ils oseroient toucher à leurs nids. Un étranger seroit mal receû s’il s’avisoit de tirer dessus.

Pour ce qui est du ruisseau qui passe à une promenade de Mandragoia, et que Mr Spon prit pour le Granique, c’est le Fourtissar qui descend du mont Timnus, et qui pourroit bien être le Caïcus des anciens. Nous mangeâmes ce jour-là, pour la premiere fois, du fruit d’Adrachne ; ce fruit est clair-semé sur des grappes branchuës et purpurines, presque ovale, long de demi pouce, chagriné à grain applatis, au lieu que ceux de l’Arbousier sont à grains pointus. Celui de l’Adrachne finit par un petit bec noirâtre, long de demi ligne ; la chair en est rougeatre, tirant sur l’orangé, jaunâtre en dedans, plus ou moins agréable au goût, suivant que les fruits sont conditionnez ; ils me parurent plus âpres que ceux de l’Arbousier, cependant ils sont de même structure, divisez en cinq loges, remplies chacune d’un placenta charnu, chargé de grai-