Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/61

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indigné de trouver encore ces pauvres animaux à l’attache, sans qu’il parût qu’on eût pris soin de les faire repaître, il fit appeller leurs maîtres et leur dit, qu’il étoit juste que les ânes mangeassent à leur tour ; les paysans en tomberent d’accord : mais ils furent fort surpris, quand il leur commanda de prendre chacun sur leurs dos la charge de pierres, tandis que les ânes mangeroient. On fait un semblable conte de Sultan Mourat.

La charge de Capitan Pacha est une des plus belles de l’Empire. Il est grand Amiral et Général des Galeres : son pouvoir est si absolu, lorsqu’il est hors des Dardanelles, qu’il peut faire étrangler les Vicerois et les Gouverneurs qui sont sur les côtes, sans attendre l’ordre du Sultan ; le grand Visir est le seul Ministre qui soit au-dessus de lui : sa Charge est la seconde de l’Empire, et il ne rend compte qu’au Grand Seigneur. Non seulement les Officiers de marine, mais tous les Gouverneurs des provinces maritimes reçoivent ses ordres. J’ai eu l’honneur de vous dire, Monseigneur, qu’il n’y avoit à Constantinople que 28 ou 30 vaisseaux de guerre.

Pour ce qui est des galeres, on les distingue en deux classes, celles de Constantinople, et celles de l’Archipel. Celles de Constantinople ne tiennent la mer que pendant l’été. On les desarme au retour de la campagne pour les enfermer dans l’arsenal de Cassum Pacha : la pluspart des Beys ou Capitaines sont des renegats. Outre le corps de la galere, l’artillerie et le biscuit, l’Empereur donne encore les soldats, le reste de l’équipage qui consiste en 200 rameurs, et le suif pour espalmer. Si les Capitaines sont assez riches pour substituer leurs esclaves à ces rameurs, ils font des profits considerables, car ils tirent douze mille livres pour la paye des rameurs, et profitent encore des journées