Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/619

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de sa foudre. Aprés huit heures de marche nous arrivâmes à Smyrne. Il n’y a rien de plus commun sur cette route que l’Adrachne ; on en chauffe les fours, on en couvre même le haut des murailles des jardins et des vignes, pour les garentir de la pluye.

Smyrne est la plus belle porte par où l’on puisse entrer en Levant ; bâtie au fond d’une baye capable de contenir la plus grande armée navale du monde. Des Sept Eglises de l’Apocalypse, c’est la seule qui subsiste avec honneur ; elle doit cet avantage à Saint Polycarpe, à qui Saint Jean, qui l’avoit formé dans l’Episcopat, écrivit par ordre du Seigneur. Soyez fidelle jusques à la mort, je vous donnerai la couronne de vie. Les autres villes que S. Jean avertit par ordre du Seigneur, sont ou de miserables villages, ou d’autres tout-a-fait ruinez. Cette illustre ville de Sardes, si renommée par les guerres des Perses et des Grecs ; Pergame capitale d’un beau Royaume ; Ephese qui se glorigioit d’être la Metropole de toute l’Asie ; ces trois celebres villes sont de petites bourgades bâties de boüe et de vieux marbres. Thyatire, Philadelphie, Laodicée, ne sont connuës que par quelques restes d’Inscriptions où il est fait mention de leurs noms.

Smyrne est une des plus grandes et des plus riches villes du Levant. La bonté de son Port, si nécessaire pour le commerce, l’a conservée et fait rebâtir plusieurs fois, aprés avoir eté renversée par les tremblemens de terre. C’est comme le rendez-vous des marchands des quatre parties du monde, et l’entrepost des marchandises qu’elles produisent. On compte quinze mille Turcs dans cette ville, dix mille Grecs, dix-huit cens Juifs, deux cens Armeniens, autant de Francs. Les Turcs y ont dix-neuf Mosquées, les Grecs deux Eglises, les Juifs huit Synagogues, les Armeniens une Eglise, et les Latins trois Couvens de