Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/638

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre à bas une Tour que le Grand Maître faisoit construire à l’entrée du Port. Depuis ce temps-là les Turcs sont restez paisibles possesseurs de Smyrne, et ont fait relever cette Tour, ou pour mieux dire, ils ont bâti une espece de Château à gauche en entrant dans le Port des galeres, qui est l’ancien Port de la ville.

Nous allâmes nous promener à l’autre extremité de Smyrne, tout au bout de la ruë des Francs, vers les Jardins que le ruisseau Meles arrose. C’est le plus noble ruisseau du monde, dans la Republique des Lettres. Le plus fameux des Poëtes est né sur ses bords ; et comme on n’en connoissoit pas le pere, il porta le nom de ce ruisseau. Une belle avanturiere nommée Critheis, chassée de la ville de Cumes, par la honte de se voir enceinte, se trouvant sans logement, y vint faire ses couches. Son enfant perdit la veûë dans la suite, et fut nommé Homere, c’est à dire l’Aveugle. Il n’est pas nécessaire de dire que sa mere épousa Phanius Maître d’Ecole et de Musique de la ville. Jamais fille d’esprit n’a manqué de mari. Non seulement Smyrne glorieuse de la naissance de ce grand Poëte, lui fit dresser une Statuë et un Temple, mais elle fit frapper des Médailles à son nom. Amastris et Nicée ses alliées en firent de même, l’une à la tête de M. Aurele, et l’autre à celle de Commode. Pour le ruisseau Meles, quoiqu’à peine il fasse moudre deux moulins, je vous laisse à penser s’il fut oublié sur les Médailles ; il est devenu bien chetif, depuis le temps de Pausanias qui l’appellent un beau Fleuve. Ce ruisseau, à la source duquel Homere travailloit dans une caverne, est répresenté sur une Médaille de Sabine, sous la figure d’un vieillard appuyé de la main gauche sur une Urne, tenant de la droite une Corne d’abondance. Il est aussi répresenté sur une Médaille de Neron, à la simple legende de la ville, de mê-