Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il paroît par l’Alcoran, que ces deux hommes ont tiré de l’Ecriture sainte ce qu’ils ont proposé de meilleur : mais comme dans leur temps il y avoit en Arabie beaucoup plus de Juifs que de Chrêtiens, ils s’attachérent moins au Nouveau Testament qu’à l’Ancien, afin d’engager les Juifs dans leur secte, sans en trop éloigner les Chrêtiens. Si Mahomet n’avoit pas eu la folie de vouloir passer pour l’Envoié de Dieu, sa religion n’eût gueres differé du Socinianisme ; mais il voulut joüer un rôlle extraordinaire en faisant croire qu’il avoit commerce avec les Etres superieurs. Comme il n’avoit ni mission, ni le don des miracles, il fut obligé pour établir son systeme, de joindre aux lumieres de la raison, la politique et la fourberie. Ses enthousiasmes, ou feints, ou causez par l’epilepsie, persuadérent à la multitude qu’il étoit infiniment au-dessus des autres hommes, et qu’il étoit inspiré du Ciel. Sa femme et ses amis disoient tout haut qu’il étoit l’interprete du Seigneur, et qu’il n’êtoit venu au monde que pour annoncer ses ordres : le pigeon que l’on avoit dressé à voltiger au-dessus de sa tête ne servoit pas peu à appuyer le mystere ; et cet oiseau passoit pour l’Ange Gabriel qui venoit parler à l’oreille de l’Envoié.

Pour ne pas trop effaroucher les Idolâtres, il ne voulut paroître ni Juif, ni Chrétien ; et pour ménager les juifs et les chrétiens, il adopta une partie de la croyance des uns et des autres. Il enseigna qu’il y avoit trois sortes de Loi écrite, communiquées aux hommes par le Seigneur, et dans lesquelles on pouvoit se sauver ; parce qu’elles ordonnent de croire en un seul Dieu createur et juge de tous les hommes. La premiere Loi, disoit-il, fut donnée à Moyse ; mais comme elle étoit trop gênante, peu de gens pouvoient l’accomplir exactement. La seconde est celle de Jesus-Christ, laquelle quoi-que remplie de grace, est en-