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Comme les Turcs croyent que ce qui soüille le corps est capable de soüiller l’ame ; ils sont persuadez aussi que ce qui purifie l’un, ne manque pas de purifier l’autre. Sur ce principe, qui est bien contraire à celui de plusieurs Chrétiens, ils se préparent à la priere par les ablutions. Hommes de bien, dit l’Alcoran, quand vous voudrez faire vos prieres, il faut laver vôtre visage, vos mains, vos bras, et vos pieds. Les gens mariez qui auront couché ensemble se baigneront. Si les malades et les voyageurs ne trouvent point d’eau, qu’ils se frottent le visage et les mains avec de la poussiere bien nette ; car Dieu aime la netteté. Il veut que les priere qu’on lui fait, soient parfaites, qu’on le remercie des graces qu’il nous donne, et que l’on invoque souvent son saint nom.

Les Mahometans ont réduit ce commandement à deux ablutions, la grande et la petite. La premiere est de tout le corps, mais elle n’est ordonnée qu’aux personnes mariées qui ont couché ensemble ; qu’à ceux qui ont eû quelque pollution en dormant ; ou qui en urinant ont laissé tomber de l’eau sur leur chair. Voilà les trois plus grandes soüilleures des bons Musulmans. Afin que rien ne soit à couvert de l’eau qui doit purifier leurs corps et leur ame, et pour qu’elle penetre mieux, ils se coupent les ongles avec beaucoup de soin, et font tomber le poile de toutes les parties de leur corps, excepté du menton. La grande ablution consiste à se plonger trois fois dans l’eau, quelque rigoureuse que soit la saison. J’ay veu dans le fort de l’hiver des Turcs se détacher de la caravane pour se jetter tout nuds dans des ruisseaux qui étoient à côté du chemin, sans apprehender ni colique ni pleuresie ; ils viennent ensuite joindre la troupe avec cet air de tranquilité, qui paroît sur le visage des personnes dont la conscience est juste ; quand ils trouvent des sources chaudes ils s’y plon-